Chaque jour qui passe, nous sommes inondés de messages belliqueux, de contre-vérités et de nouvelles injonctions. Le discours du Président de la République à la nation, le ministère des armées, à travers la Fédération Protestante de France, nous commandent de nous préparer à un conflit de haute intensité, une éventuelle catastrophe naturelle, une possible nouvelle pandémie.
Tout ceci est effrayant et la peur distillée fait partie de la stratégie de communication à l’œuvre.
Médusés, angoissés, les citoyens sont plus à même d’accepter des sacrifices au profit d’un réarmement massif.
L’impréparation est rarement gage du meilleur, mais à quoi convient-il de nous préparer ?

Tout le message biblique nous met à cœur de ne pas nous laisser submerger par la peur. La peur fige. Elle risque d’enfermer dans la passivité. « C’est dans le calme et la confiance que sera votre force » (Esaïe 30,15).

Aujourd’hui, j’aimerais vous demander de témoigner, rayonner d’autre chose. Soyons prêts à relayer une autre voix ; celle des chrétiens qui vivent d’espérance. Nous croyons, forts des paroles du prophète Jérémie, que Dieu veut pour nous le bonheur. Il nous donne un avenir à espérer.
Nous répondons à l’angoisse et la détresse par la solidarité, la prière et l’action.

Nous sommes à mi-carême, dans ce temps mis à part pour nous préparer à Pâques. La liturgie prend en compte le besoin de travailler sa disposition, sa disponibilité pour accueillir ce qui vient.
A quoi sommes-nous prêts, comment nous préparons-nous ? Durant le Carême, les uns renoncent à la viande, d’autres au chocolat. Certains se disciplinent pour un temps de prière ou de lecture de la Bible plus long, plus fréquent, un acte de solidarité précis, un don pour les plus précaires.
Ces temps liturgiques forts ; Carême, la semaine sainte, Pâques, sont autant de repères pour combattre la paresse communautaire, autant d’occasions de renouer avec la communauté, de prendre conscience de notre force lorsque nous acceptons de faire et vivre les choses ensemble.

Le temps de l’information et de la désinformation s’accélère. Donald Trump sature l’espace médiatique. Nous sommes noyés par un flot de provocations permanent. Comment nous en protéger ? Comment nourrir notre engagement ?
En nous armant de patience, d’intelligence, de dialogue, de liens et de sens. L’Europe, sidérée, démunie, n’a d’autre alternative que de s’unir. Comme nous n‘avons d’autre choix que d’unir nos efforts devant l’urgence démocratique, climatique, spirituelle du moment.

Aujourd’hui, nous débattons des suggestions de la Commission d’amélioration, pour traduire de manière concrète notre préoccupation démocratique dans le processus électoral à la présidence du Directoire. Nous sommes bien petits pour faire face aux changements majeurs en cours sur le plan géopolitique, environnemental et sociétal, mais nous prenons notre part.
Je veux mentionner notre participation à la réflexion œcuménique sur la synodalité, en marge de la venue du patriarche Bartholomée 1er au Conseil de l’Europe et à la Cathédrale de Strasbourg. Je mentionne la signature, le 3 avril prochain, d’une convention UEPAL/ Chapitre de St Thomas sur la gestion des terres avec la ville et l’Eurométropole de Strasbourg. Je salue l’élaboration, par la CASPE, d’un programme ambitieux, pensé sur deux années, sur la thématique d’Église et démocratie.

Début avril, aidée par l’ACO (Action Chrétienne en Orient), la CPLR (Communion Protestante Luthéro-Réformée) organise à Lyon un forum sur Israël-Palestine pour déconstruire les discours de haine, comprendre les enjeux et découvrir les initiatives courageuses qui tentent de construire la paix pour que demain ne soit pas la répétition des humiliations et massacres d’hier et d’aujourd’hui.
Le 8 mai, nous fêterons, de manière transfrontalière, les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale en invitant à une prière pour la paix. D’ennemis héréditaires, la France et l’Allemagne sont devenues des pays amis. Un travail de réconciliation a eu lieu, chassant l’évidence du conflit.

Enfin, un mot pour dire merci à toutes celles et à tous ceux qui s’associent à la réflexion sur les caps à prendre et tenir pour les années à venir dans l’UEPAL. La situation se tend, avec le manque de pasteurs, les nombreux départs à la retraite. Les paroisses s’inquiètent. Nous devrons, ensemble renoncer à des modèles et en inventer d’autres pour redonner une perspective, redonner du souffle.
J’exprime ma plus vive reconnaissance envers les bonnes volontés qui partagent leur maison, leur presbytère, leur budget, leurs forces matérielles et pastorales pour venir au secours des personnes ou paroisses désorientées.
Les porteurs et porteuses d’Évangile manifestent qu’un autre monde est possible, où vivre ensemble, faire preuve de solidarité, est enrichissant et beau. Leur témoignage nourrit, quotidiennement, nos raisons d’espérer.

Isabelle GERBER
Pasteure, présidente de l’Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine (UEPAL), présidente de l'Église protestante de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine (EPCAAL).
22 Mars 2025 – ERSTEIN